L’Egypte en transition…

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Suite à la démission du président Hosni Moubarak, le 11 février dernier, au profit du haut commandement militaire, ce dernier a suspendu la Constitution, dissout les deux Assemblées, et annoncé qu’il assurerait la transition vers un pouvoir civil élu démocratiquement. Depuis, l’armée semble soumise à des pressions contradictoires, entre soutien à la contre-révolution et concessions aux manifestants de la place Tahrir.

Ainsi, si une manifestation est violemment dispersée le 25 février, l’armée s’en excuse dès le lendemain sur sa page Facebook. Moins d’une semaine plus tard, le 3 mars, le premier ministre Ahmad Shafiq donne sa démission. Il est remplacé par un civil, Issam Sharaf, qui avait pris part aux manifestations de janvier.

Le 8 avril, d’importantes mobilisations ont lieu sur la place Tahrir pour exiger l’inculpation du président déchu et de sa famille. Pendant la nuit, l’armée tente de faire évacuer la place par la force, causant deux morts. On voit à cette occasion se répéter le schéma qui avait prévalu quelques semaines plus tôt ; après la répression viennent les concessions. En effet, le 13 avril, l’ancien président et ses deux fils sont placés en détention, sous l’accusation de détournement de fonds.

Le flou quant aux intentions de l’armée a des effets sur l’évolution des règles censées présider aux élections parlementaires et présidentielles de l’automne prochain. Ainsi, le 19 mars, 7 amendements de la Constitution modifiés par une commission ad hoc sont soumis à référendum. Mais le 30 mars, l’armée proclame une Constitution transitoire comportant 55 articles supplémentaires. Le même jour, on apprend que la commission en question a également modifié la loi sur les partis, dans un sens facilitant la création de ces derniers.

Enfin, l’armée annonce que les élections parlementaires auront lieu en septembre, et pas en juin comme prévu précédemment. Cette dernière annonce a pour but de répondre aux préoccupations des partis démocratiques d’opposition, qui demandaient plus de temps pour s’organiser afin d’être capable de faire face aux deux principales forces de la scène politique égyptienne : le PND et les Frères musulmans.

Ces derniers ont annoncé très tôt la future création d’un parti, le parti de la justice et de la liberté qui, conformément à la loi, sera ouvert aux femmes et aux chrétiens. De son côté, le PND, après avoir été dissout par décision de justice le 17 avril, a dû également faire face à une scission, puisque son président et son secrétaire général ont chacun annoncé leur intention de déposer une demande de création de parti.

Enfin, si les Frères musulmans n’ont pas l’intention de présenter de candidats à la présidentielle, un dissident de la Confrérie pourrait bien se porter candidat en la personne de Abul Futuh. Le néo-nassérien Hamdin Sabahi a de son coté commencé à mener campagne au nom du parti Karama. Ils affronteront les deux favoris : l’ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique Muhammad Al-Baradei, et le secrétaire général de la Ligue arabe, Amru Mussa.

Les élections présidentielles devant se dérouler « un mois ou deux » après les échéances parlementaires, la question la plus importante pour l’instant est celle du mode de scrutin retenu pour organiser ces dernières. Le haut commandement militaire pourrait se laisser convaincre par les partis d’opposition d’y introduire une dose de proportionnelle, afin d’en finir avec un mode de scrutin qui avantage les hommes de l’ancien régime, ainsi que la seule organisation capable de les affronter dans les circonscriptions, celle des Frères musulmans.

Enfin, comme il est question de rédiger et de promulguer une Constitution définitive lorsque le président et le Parlement auront été élus, les débats institutionnels sont amenés à prendre une place centrale dans la campagne électorale qui débute actuellement.

Le Blog de Clément Steuer pour suivre les événements politiques en Egypte

Clément Steuer

Clément Steuer

Clément Steuer travaille actuellement sur les partis politiques égyptiens au CEDEJ et à Triangle. Il est par ailleurs membre du Cercle des chercheurs sur le Moyen-Orient (CCMO).