Monde-Haïti : les normes de recherche et de sauvetage ont-elles amélioré la réponse aux séismes ?

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Genève (IRIN) – Quand la ville de Mexico a été frappée par un séisme de force 8,1 en 1985, les équipes de réponse d’urgence se sont acharnées à répéter leurs recherches dans les mêmes bâtiments. Durant les efforts de recherche et sauvetage après le séisme de 1986 au San Salvador, deux équipes de sauvetage européennes se sont opposées sur la meilleure démarche à adopter.

Il y a vingt ans, a dit Joe Bishop, consultant en gestion des situations d’urgence, le domaine de la recherche et du sauvetage sur le plan international était «effectivement très chaotique». «C’était du chacun pour soi, la normalisation n’existait pas, les outils étaient complètement inadaptés à la tache, et tout cela au détriment des personnes affectées.»

Le changement est venu il y a vingt ans en décembre avec la mise en place du Groupe consultatif international de recherche et de sauvetage (INSARAG). «Je pense qu’il reste beaucoup à faire,» a dit M. Bishop, «mais nous avons fait des percées majeures depuis le séisme de Mexico en 1985.»

Jens Kristensen, un responsable des Nations Unies qui a été sorti des décombres cinq jours après le séisme du 12 janvier 2010 en Haïti, est d’accord : «l’INSARAG a grandement progressé en 20 ans.» La réponse d’urgence internationale au séisme d’Haïti a été la plus importante de toute l’histoire. «La conséquence la plus positive,» a fait remarquer Kjell Larsson, conseiller principal auprès du gouvernement suédois, «a été que les équipes de l’USAR [recherche et sauvetage en zones urbaines] ont sauvé plus de vies que n’importe quelle autre opération de réponse d’urgence aux séismes des 10 ou 20 dernières années.»

Nihan Erdogan, chef du Bureau des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA) et membre de l’équipe haïtienne des Nations Unies pour l’évaluation et la coordination en cas de catastrophe (UNDAC), a dit que les opérations de recherche et de sauvetage en Haïti avaient «enseigné à l’INSARAG des leçons importantes.»

L’INSARAG a tenu sa première réunion mondiale à Kobé, au Japon, en septembre [dernier], rassemblant 200 participants, 79 pays et huit organisations internationales. Co-organisée par OCHA, cette conférence a marqué le début des célébrations pour le vingtième anniversaire de l’INSARAG et commémoré le quinzième anniversaire du séisme de Great Hanshin à Kobé.

Mme Erdogan est d’avis que l’exploit le plus remarquable de la conférence a été l’adoption de la Déclaration de Hyogo par tous les états-membres présents à Kobé. La prochaine étape, selon Mme Erdogan, sera la mise en application «d’une vision et d’une stratégie communes [qui] feront une grande différence au niveau opérationnel.»

Quelles leçons tirer de l’expérience?

Mme Erdogan a indiqué que la leçon la plus importante qu’avait retenue l’INSARAG au fil des années était d’avoir un minimum de normes internationales. Faisant référence à ses expériences en Haïti, elle a dit : «C’était un vrai défi de coordonner les opérations de l’USAR avec des équipes qui avaient des opinions et des approches des mesures de sécurité complètement différentes.» Le 16 décembre 2002, la résolution 57/150 de l’Assemblée générale adoptait les principes de mise en oeuvre de normes internationales et de renforcement des capacités de l’USAR, dans le but d’améliorer l’efficience et l’efficacité des opérations internationales de recherche et de sauvetage, mais la certification d’équipes USAR internationales qualifiées reste une question difficile.

L’une des mesures qui a déjà été introduite pour répondre à ce problème est le processus de classification externe INSARAG (IEC), établi en 2005 pour identifier les équipes USAR compétentes. «Haïti a été la première grande catastrophe à utiliser des équipes classées IEC,» a dit Mme Erdogan. Au vu de ce qui s’est passé en Haïti, « nous savons maintenant que l’IEC a très bien marché. »  Cependant, parmi les 60 équipes USAR qui ont participé à la réponse d’urgence au séisme d’Haïti, seules huit était classées IEC. «C’est un processus relativement coûteux… et relativement lent,» a dit M. Larsson.

Le processus complet de qualification des équipes USAR internationales peut prendre des années, a dit Mme Erdogan et la liste des demandes pour remplir les conditions de la classification IEC va déjà jusqu’en 2014. Une fois l’équipe qualifiée, «nous parlons la même langue et agissons de la même façon,» a dit Mme Erdogan. Dans un compte-rendu de la réponse d’urgence en Haïti, Mariusz Feltynowski, chef d’une équipe USAR polonaise qualifiée, a dit que «la coopération avec les autres équipes certifiées avait été quasiment parfaite. Cela a été possible parce que les équipes travaillaient avec les mêmes normes et des outils similaires, et surtout parce qu’elles se connaissaient.»

Renforcement des capacités

Une des autres leçons tirées [de l’expérience] est la nécessité de renforcer les capacités au niveau local, national et international. Pour des raisons de temps et de distance, il peut s’écouler au moins 48 heures avant qu’une équipe de sauvetage internationale n’arrive sur les lieux d’une catastrophe.

«Si nous parvenons à déployer les méthodes à tous les niveaux de la réponse d’urgence, nous pouvons sauver davantage de vies,» a dit M. Larsson. «Si les équipes nationales sont formées, elles peuvent s’associer et mieux travailler avec les équipes internationales dans les opérations de sauvetage.» L’INSARAG vise maintenant à qualifier des équipes nationales.

Toni Frisch, le président de l’INSARAG, a indiqué que «les avantages de la classification externe INSARAG pour garantir un minimum de normes opérationnelles internationales et adapter les besoins aux capacités ont certes été amplement démontrés en Haïti, mais il est aussi devenu très clair que l’introduction d’un minimum de normes et de méthodes similaires au niveau national était d’une importance essentielle pour mieux préparer la réponse aux séismes.»

« Au-delà des décombres »

Une autre leçon émanant de la conférence de Kobé était l’idée de «l’au-delà des décombres». Partant de l’analogie avec un incendie local et la réponse d’urgence apportée par les pompiers locaux, M. Larsson a rappelé que les pompiers ne se contentent pas d’arriver, d’éteindre le feu et de repartir. Il existe des procédures pour la phase suivant l’incendie, telles que le transfert des victimes, les soins post-traumatiques, etc. Cette phase post-catastrophe peut largement être améliorée, a t-il dit.

Durant cette période en Haïti, on a pu constater que le rôle grandissant des équipes USAR ajoutait une valeur à l’ensemble de l’assistance humanitaire. C’est elles qui évaluaient la sécurité des bâtiments publics, et s’occupaient de la remise en état des équipements endommagés et [de] la collecte des morts. La reconnaissance de [l’importance de] la reconstruction « au-delà des décombres » est devenue une considération importante dans la façon dont les équipes USAR élaboreront les réponses aux catastrophes à l’avenir.

Les déploiements USAR internationaux

Une équipe USAR internationale couvre les recherches, le sauvetage et les éléments médicaux, ainsi que le soutien administratif et logistique, et peut être déployée en moins de huit heures après l’annonce d’une catastrophe. Une équipe moyenne est formée de 20 à 60 personnes et un grand déploiement international peut avoir un effectif de 80 à 100 personnes, voire plus.

«Ce sont les chiens qui sont le fer de lance des opérations de recherche,» a dit M. Bishop, mais il y a aussi besoin d’ingénieurs de structures, de vétérinaires et de personnel médical.

Une équipe peut opérer pendant 10 à 14 jours avant d’être réapprovisionnée, mais l’efficacité d’une opération de sauvetage a une durée limite d’environ quatre jours. « Après quatre jours, le taux de survie diminue de façon dramatique, » a t-il dit. « Quatre-vingt-dix pour cent des sauvetages sont fait par des équipes locales, [tandis que] les équipes internationales s’occupent des sauvetages prolongés qui nécessitent de s’enfoncer plus profondément dans les lieux de la catastrophe.

Aspects politiques

Un responsable humanitaire a dit qu’il était « parfaitement clair » que les nations gagnaient une visibilité positive dans les médias grâce à leurs équipes USAR. En outre, c’est une bonne façon d’améliorer ses compétences et d’acquérir une expérience « en grandeur réelle » réutilisable dans son pays. Et pourtant, comme l’a fait remarquer M. Bishop, « ces équipes se déploient gratuitement. Cela ne coûte pas un centime au pays affecté. Leur motivation primordiale est de faire de l’assistance humanitaire.

L’investissement de ces équipes dans les pays vulnérables est le bon investissement, » a dit M. Bishop. «Il serait impossible pour beaucoup de pays de supporter les coûts d’équipement, de formation et de maintenance.»

« Il n’y a rien qui puisse arrêter les bonnes âmes ou les braves gens de se présenter avec un chien et une pelle…mais la famille INSARAG cherche à exclure [le “tourisme de catastrophe”,] » a ajouté M. Bishop.

kz/bp/mw – og/amz / IRIN

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