Vu du Brésil : les élections françaises, entre crise économique et attentat terroriste

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Thème astral de la présidentielle francaise.Il aura fallu « l’affaire » Mohamed Merah pour que l’on parle enfin des élections présidentielles françaises au Brésil. En soulignant la dérive conservatrice d’un pays économiquement mal en point et menacé par les dérives xénophobes. Ou quand un grand pays émergent s’interroge sur l’avenir d’un pays de la vieille Europe…

Les prochaines élections présidentielles françaises ne mobilisaient guère l’attention des brésiliens. Confronté lui-même à une actualité dense (croissance économique ralentie, ministres débarqués pour cause de corruption, conflit avec la FIFA concernant l’accueil de la coupe du monde 2014, voyage de Dilma Rousseff, la présidente, en Inde et aux Etats-Unis, cancer de l’ex-président Lula, etc.), le géant sud-américain portaient en effet un regard plutôt distancié sur l’évènement hexagonal. Du moins jusqu’aux drames de Toulouse et Montauban, qui ont été assez largement couverts par les principaux médias du pays, à l’image de la chaîne Globo, dont le journal télévisé national (35% d’audimat en moyenne) a assuré un suivi quotidien de « l’épopée mortelle d’un terroriste fou en pleine campagne électorale. » Un fait divers qui a valu ensuite quelques éditos dans la presse écrite et internet sur les malaises dont souffre la société française, étouffée par la crise économique et le désarroi social, qui touchent en particulier les jeunes issus de l’immigration, vivant dans des quartiers périphériques des grandes villes.

Point commun de la plupart des commentaires ? La récupération du drame par une partie de la classe politique, Nicolas Sarkozy en tête, qui s’en est servi pour replacer le thème de la sécurité au cœur de la campagne.

C’est notamment le point de vue de Giorgio Romano Schutte, Professeur de Relations Internationales au sein de l’Université fédérale ABC, dans l’état de Sao Paulo.  « L’ombre du terrorisme d’origine islamique est une aubaine pour le candidat sortant qui peut ainsi continuer à disputer l’électorat très conservateur de l’extrême droite. Mais c’est tout sauf une surprise, poursuit l’universitaire. Car dès le début de son mandat, Nicolas Sarkozy a opéré un  virage conservateur en annonçant des mesures telles que le recul de l’âge de départ à la retraite. » Un président sortant dont les brésiliens s’étonnent qu’il puisse talonner François Hollande dans les intentions de vote, alors que la situation économique du pays, à l’image  de celle de l’Europe, est présentée comme « préoccupante ». « Comme aux Etats-Unis, c’est l’état de l’économie qui va décider du résultat du vote en France, estime d’ailleurs Aldo Quiroga, journaliste et présentateur de « Sujets d’actualité », l’émission dominicale de décryptage de l’actualité internationale, sur TV Cultura. Et la situation actuelle ne semble pas favorable à Nicolas Sarkozy. »

 Tentations protectionnistes

Ce déclin inquiète notamment quelques économistes brésiliens, alertés par l’appel au protectionnisme présent dans les programmes de la plupart des candidats. « Sur ce thème, il y a une sorte de consensus de la droite à la gauche, observe Pedro Hubertus Vivas Agüero, chercheur au sein de l’Observatoire de l’Economie Latino américaine. Il n’y a qu’à voir les dizaines de milliers de tee-shirts « Made in France » commandés par les différents partis politiques pour leurs militants. » De quoi redouter une possible relocalisation d’entreprises françaises comme Peugeot ou Renault ? « Quel que soit le résultat, il y a peu de chances que la politique d’implantation des grandes entreprises françaises au Brésil soit remise en question, relativise le chercheur. Car le marché brésilien est porteur et le pays commence également à devenir un bon client de la France, à l’image du dossier de l’achat des chasseurs Rafale. » Sans oublier évidemment les touristes brésiliens qui, hausse du pouvoir d’achat aidant, représentent aujourd’hui la plus forte progression de dépenses de shopping en France, avec un bond des achats de 50% en 2011, à 100 millions d’euros. »

 « Qui va gagner ? »

Ce dernier indicateur n’a rien de fortuit. Car malgré les faits divers et une économie ébranlée par la crise, la France garde son image romantique. « L’épisode du Fouquet’s a plutôt été vécu comme un moment glamour, assure Carolina Nogueira, journaliste du magazine féminin Muito. Et le mariage du président avec Carla Bruni, dont le père est brésilien, puis sa grossesse et la naissance de leur fille, ont humanisé l’image du président. » Et les autres candidats ? « Hormis François Hollande, en tête des sondages, et Marine Le Pen, qui pourrait créer la surprise comme son père en 2002, ils demeurent pour la plupart inconnus. » Ce sont d’ailleurs ces trois candidats que Rosita Iguana a sélectionnés pour lancer un débat sur son site baptisé « Ceus !!!! » (« Ciels !!! »). Le thème ? « Elections présidentielles en France : qui va gagner ? » Sous ce titre, cette… astrologue explique notamment que le 22 avril, date du 1er tour, « le soleil sera dans le signe du taureau, que Mercure sera dans celui du Bélier et que Saturne sera pour sa part dans le signe de la Balance. » Une carte du ciel à partir de laquelle les internautes sont conviés à donner leur interprétation, voire à livrer leur pronostic. Sans aucun résultat à ce jour.

Jean-Claude Gérez

Jean-Claude Gérez

Jean-Claude Gérez est journaliste et correspondant de Grotius.fr au Brésil.