Nous sommes sur notre chère planète Terre. Et c’est heureux. En 2012. Certes il y a la Syrie, qui fait la Une des médias. Le Zimbabwe, que l’on oublie. Haïti bien sûr, et cette date anniversaire – deux ans après le séisme, qui se rappelle à nous.
Mais il est un pays tellement insaisissable, aussi « étrange » par certains aspects politiques que la Corée du nord, que n’avons plus de repères et donc de compréhension.
En fait, là, nous perdons à la fois repères et compréhension. Ce pays c’est l’Erythrée. Pays oublié de la Corne de l’Afrique. Dans son ouvrage dont le titre est étrangement « Les Erythréens » (comme on dirait « les Martiens » ?), Léonard Vincent offre au lecteur un voyage dans un pays-prison. Dont on s’échappe. Si difficilement. Parcours hallucinants, d’hommes et de femmes d’un courage inouï.
Certains y parviennent, échouent sur nos côtes européennes. Se replient ici, en Europe, sur eux-mêmes. Toujours effrayés. Des gens que nous ne savons pas accueillir dignement, par le contact et la parole, par le respect que nous devrions avoir et puis le logement bien sûr et quelques aides matériels données, qui nous honoreraient. Comme une reconnaissance. Pour ne plus se sentir coupables ? Pourquoi pas après tout, si cela peut être utile ?
Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel n’est bien sûr pas ce que nous pensons mais d’aider et de reconnaître, sans attendre un retour particulier, ces hommes et ces femmes qui fuient leur pays. Et au-delà tenter de nouer un dialogue pour comprendre. Léonard Vincent – ancien responsable du Bureau Afrique à Reporters sans frontières (RSF), journaliste et écrivain, a réussi cette prouesse d’auteur à nous faire vivre cette prison, prouesse car nous n’avons que dû mal à sortir de ce livre et le fermer, comme emprisonné dans le voyage de ces Erythréens rencontrés au fil des pages.
Certaines pages sont mêmes suffocantes. Toujours dans une grande pudeur. De celle que vivent les gens qui souffrent. Sans mot dire. Nous vivons cette saignée, nous vivons cette fuite et nous demandons même si tout cela est vrai. Mais oui. Les Erythréens tentent de s’échapper d’un pays fait de tortures et d’intimidations permanentes, quotidiennes. Une dictature des esprits et des corps.
La communauté internationale devrait les saluer, ces Erythréens. Pour leur courage, leur volonté de vivre. Mais nous sommes dans un total oubli. Le livre de Léonard Vincent n’est pas un roman, ce n’est pas un documentaire, ni un reportage. C’est un récit de vies, d’Erythréens. C’est aussi une part de vie contée, celle de Léonard Vincent. D’un engagement. L’ « histoire » n’est pas terminée. Léonard Vincent est là pour nous le rappeler.
Jean-Jacques Louarn
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