« Indignés » africains, unissez-vous pour crier votre indignation !

0
211

Le 15 octobre 2011 marque une date importante dans l’histoire du mouvement des « indignés » de la planète. A l’initiative du site internet 15october.net et sous le mot d’ordre « Unis pour un changement planétaire », des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées un peu partout dans le monde pour protester contre le système financier international qui gangrène leurs quotidiens. Le continent africain n’a pas été épargné par cette vague de manifestations qui a eu lieu à l’occasion de la première journée mondiale des « indignés » de la planète.

Dans certaines capitales et grandes villes de pays africains, nombreux sont les hommes et les femmes qui dans un grand élan de solidarité, sont descendus dans les rues pour crier leur ras- le-bol contre un système capitaliste qui les maintient dans la paupérisation. Il faut dire qu’au regard de tous les maux dont souffrent les populations dans les pays africains, l’on devrait s’attendre à une contestation plus généralisée aux quatre coins du vieux continent.

Car si l’un des objectifs du mouvement des « indignés » est de lutter contre les inégalités sociales et les injustices, il convient de faire remarquer que les populations africaines font partie des peuples qui ressentent le plus, les effets pervers du système capitaliste. L’Observateur Paalga, quotidien national burkinabé, aborde dans le même sens en soutenant que : « S’il y a un continent sur lequel l’on devait s’indigner le plus, c’est bien sur le continent africain : la pauvreté y est endémique, les maladies aussi, la mal gouvernance est quotidienne, les dirigeants y sont, pour la plupart, des prédateurs ».

Autant de situations qui devraient normalement faire du continent africain, le théâtre de l’indignation par excellence. Et, à ce quotidien burkinabé de s’écrier : « Bon sang, qu’attendent les Africains pour s’indigner de tout cela ? ». Il est vrai que le bilan peut paraître maigre, car sur les 87 pays qui ont manifesté dans le monde le 15 octobre dernier, on ne dénombrait que 5 pays africains à savoir, le Sénégal, le Mali, l’Afrique du Sud, la Tunisie et l’Egypte. Cependant, au-delà du nombre, c’est plutôt la dimension symbolique de cette contestation qu’il faudra retenir.

En effet, le fait de voir des manifestants dans ces 5 pays africains faire entendre leur voix à cette occasion particulière, montre que les « indignés » africains veulent de plus en plus avoir droit au chapitre. Longtemps terrés dans le mutisme absolu, ils osent aujourd’hui dénoncer les dérives d’un système à travers les failles de leurs gouvernants.

Un éveil de conscience faisant écho
aux réalités des pays concernés
 

Toutes ces contestations observées dans les 5 pays africains à l’occasion de la journée mondiale des « indignés » sont l’expression du prolongement d’une forme d’éveil de conscience des masses. Même si à priori, tous les « indignés » africains ont les mêmes objectifs globaux, dans le fond, sur le continent noir, on ne devient pas « indigné » pour les mêmes raisons. Les populations qui expriment de plus en plus leur mécontentement le font en tenant compte d’un certain nombre de réalités qui meublent leurs quotidiens.

Il ressort donc de cette observation que les manifestations des mouvements des « indignés » dans des pays comme l’Egypte et la Tunisie s’inscrivent dans la foulée du printemps arabe. En effet, ces manifestations populaires qui se sont produites dans le monde arabe à partir du mois de décembre 2010, ont ouvert la voie à un vent de contestation qui ne cesse de souffler depuis lors sur cette région.

Ce sont d’ailleurs ces manifestations qui sont à l’origine de la Chute des dictateurs comme Ben Ali et Hosni Moubarak, respectivement anciens présidents de la Tunisie et de l’Egypte. Au Sénégal et au Mali, les mouvements des « indignés » sont menés par les organisations de la société civile, historiquement implantés et très actifs. Ces organisations représentent un contre-pouvoir important dans ces pays.

Au Sénégal par exemple, les prises de position du collectif « Y’en a marre », lors des événements du 23 juin dernier contre le changement de la Constitution, souhaité par le Président Abdoulaye Wade, montrent le rôle capital que jouent la société civile dans la défense des valeurs de la République sénégalaise. En Afrique du sud, en raison du niveau d’évolution du pays, on peut affirmer que le cri de cœur des « indignés » qui ont manifesté dans la nation arc-en-ciel, fait certainement écho aux manifestations des indignés dans la plupart des pays occidentaux.

Une première étape…

La première journée internationale des « indignés » n’a vu la participation que de cinq pays africains. Pourtant, cela constitue un grand pas dans la prise de conscience collective. Ce mouvement mérite d’être généralisé sur tout le continent afin de contribuer à l’avènement d’une vraie démocratie soucieuse des droits de l’homme et du bien-être de la population. Loin de lancer un appel à la révolution, il est temps que les « indignés » de tous les pays africains s’unissent pour crier ensemble leur indignation.

 

 

Jean-Jacques Konadjé

Jean-Jacques Konadjé

Jean-Jacques Konadjé est Docteur en Science Politique, consultant en géopolitique et relations internationales, expert en maintien de la paix puis spécialiste de la défense et de la sociologie militaire. Il enseigne la communication à l’Université de Rouen.