Au Yémen, la guerre silencieuse

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« La guerre silencieuse »… C’est l’expression employée par Médecins du Monde dans un communiqué de presse publié il y a quelques semaines pour qualifier la reprise du conflit dans le nord du Yémen. « Cette sixième guerre depuis 2004 aggrave encore la situation des populations dans ce pays, le plus pauvre du Moyen Orient », écrit MDM qui souligne que « très peu d’informations filtrent sur ces événements (…) les communications téléphoniques (ainsi que l’électricité) sont coupées, les informations officielles ne sont pas fiables (…). La zone de Saada, une des plus dangereuses au monde est hors d’accès pour les médias yéménites et internationaux ; c’est donc une guerre silencieuse que subissent les civils, alors même que le danger des affrontements empêche l’aide humanitaire d’accéder au gouvernorat».

Les combats ont repris depuis le 11 août et il impossible en l’état actuel de faire un bilan des tués, blessés et personnes déplacées. Les ONG, associations et agences onusiennes (MDM, MSF, CICR, HCR, Unicef, OMS, PAM etc…) qui tentent d’intervenir sur place rappellent que depuis 2004 les combats ont fait plus de 100.000 déplacés. Depuis un peu plus d’un mois c’est plusieurs dizaines de milliers d’autres personnes qui fuient leurs villages dans la région de Saada.

«La situation humanitaire est très difficile» affirme le HCR. Le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés a annoncé le dimanche 13 septembre avoir réussi à entrer une cargaison de neuf tonnes de secours médicaux dans Saada. Le CICR, en contact avec les parties en conflit, constate que les rebelles chiites et les autorités de Sanaa s’accusent mutuellement d’entraver l’acheminement de l’aide.

Le Yémen est confronté à une rébellion chiite dans le nord. Dix-neuf ans après son unification en 1990 et 15 ans après une tentative de sécession du sud, ce pays de la péninsule arabique fait partie du «dispositif» américain. «La sécurité du Yémen est une question vitale pour la sécurité des Etats-Unis et de la région» affirmait, début septembre en Arabie saoudite, John Brennan, le conseiller de Barack Obama pour la sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme.

John Brennan, avant d’avoir un entretien avec le roi Abdallah à Jeddah, s’était rendu chez le voisin yéménite, délivrant un message du président américain à son homologue Ali Abdallah Saleh, l’assurant du «soutien des Etats-Unis à l’unité du Yémen, à sa sécurité et à sa stabilité.» Ryad et Sanaa sont des alliés de Washington dans la lutte contre le terrorisme. Les rebelles chiites du nord Yémen accusent l’Arabie saoudite d’apporter une assistance militaire à Sanaa. Ali Abdallah Saleh, lui, dénonce le soutien de l’Iran à ce qui est donc qualifié de rébellion. Les rebelles chiites affirment lutter pour rétablir l’imamat zaïdite, une monarchie renversée en 1962, année où le Yémen s’est proclamé République.

L’offensive militaire du pouvoir se poursuivait mi-septembre dans une vaste zone comprise entre la province d’Omrane et la ville de Saada, le fief des rebelles. L’objectif affiché est d’ouvrir, d’abord par un pilonnage à l’artillerie lourde, la route Harf Sufyan. L’agence de presse officielle Saba qui proclame régulièrement les victoires de l’armée affirmait dans une dépêche datée du 11 septembre que «les forces armées s’efforcent à nettoyer cette route (ndlr : Harf Sufyan) des éléments rebelles ainsi que des mines et des charges explosives qui y ont été plantées, pour permettre son ouverture devant les convois humanitaires…»

Jean-Jacques Louarn

Jean-Jacques Louarn

Jean-Jacques Louarn est journaliste à RFI.