L’action du CICR en Indochine

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La guerre d’Indochine, qui débute à l’automne 1946, est la première guerre de décolonisation de la France et elle présente très vite les aspects d’une guerre internationale. En effet, à travers ce conflit, ce sont les deux blocs issus de la fin de la deuxième guerre mondiale qui s’affrontent.

Pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), c’est une situation inédite. S’ajoute à cela, le fait que l’Institution est perçue comme pro-occidentale par l’URSS, laquelle se refuse en outre à accepter l’idée de neutralité dans ce monde divisé. Cette situation gênera beaucoup l’action du CICR, notamment avec la République démocratique du Vietnam (1).

Hô Chi Minh, qui s’est fait reconnaître comme le rassembleur de tous les nationalistes contre le Japon et la France, a créé en 1941 la Ligue révolutionnaire pour l’indépendance du Vietnam, le Viet-minh. Le 2 septembre 1945, il proclame à Hanoi la création de la République démocratique du Vietnam après avoir renversé l’empereur Bao Daï.

Dans le même temps, les troupes chinoises et britanniques s’installent au nord et au sud du 16ème parallèle en vertu des accords de Postdam. Ceux-ci-ci prévoient que les deux Etats doivent y recevoir la reddition du Japon qui, après son coup de force de mars 1945, s’était emparé de tous les pouvoirs en Indochine. De son côté, la France ne peut renoncer à la reconquête de sa souveraineté sur un territoire où elle est implantée depuis le Second Empire.

En accord avec le gouvernement anglais, la France envoie à l’automne 1945 le général Leclerc reprendre Saigon, et nomme l’amiral d’Argenlieu Haut Commissaire de France. Paris engage aussi des discussions avec Pékin pour l’évacuation du Tonkin. Le Général de Gaulle songe alors à la création, dans le cadre de l’Union française, d’une Fédération indochinoise composée du Laos, du Cambodge, de la Cochinchine, de l’Annam et du Tonkin.

Et le 6 mars 1946, la France conclut un accord avec Hô Chi Minh reconnaissant officiellement la République du Vietnam, comme un Etat libre «au sein de la Fédération indochinoise et de l’Union française», et permettant en même temps au général Leclerc de rentrer à Hanoi. Mais, cet accord est mis à mal par la politique de d’Argenlieu qui, le 1er juin 1946, permet la proclamation d’une République autonome sécessionniste de Cochinchine avec Saigon pour capitale et Bao Daï à sa tête.

Après l’échec de la Conférence de Fontainebleau à l’été 1946 où Français et Vietnamiens ne parviennent pas à un accord, plusieurs faits de guerre de part et d’autre conduisent au déclenchement de la première guerre du Vietnam le 19 décembre 1946. Hô Chi Minh entre alors dans la clandestinité avec le redoutable général Giap et son armée de 60 000 hommes. Ce jour-là, plus de 200 Français sont emmenés comme otages par le Viet-minh.

Le Comité international de la Croix-Rouge est présent dans la région lorsqu’éclate cette guerre d’un nouveau genre. En effet, en août 1945, le délégué du CICR, Henri Hurlimann, apportait des vivres aux prisonniers alliés détenus par les Japonais dans deux camps situés près de Saigon. A la suite de l’accord du 6 mars 1946, le CICR réorganise ses délégations et nomme, avec l’accord de Paris, Charles Aeschlimann comme délégué.

Le CICR, un intermédiaire finalement souhaité par la France

Très vite, le CICR offre ses services à Paris alors que des prisonniers sont faits de part et d’autre. Mais, comme la France refuse de reconnaître l’existence d’une guerre et assimile les hommes armés de la République démocratique du Vietnam à de simples rebelles,  elle rejette tout d’abord les propositions du CICR. Aucune disposition du droit de Genève de 1929 ne concerne les guerres internes. Genève ne peut donc offrir ses services que sur la base de son droit d’initiative.

Finalement, la crainte de laisser sans secours les 425 civils français aux mains du Viet-minh, pousse les autorités à accepter les offres de Genève et l’envoi d’un délégué en Indochine. La France limite cependant l’action du CICR aux visites des internés civils retenus par le Viet-minh. Paris veut en effet garder un ascendant sur l’action du Comité international qui agit sans base conventionnelle. Néanmoins, c’est un premier accord pour l’Institution, et elle pense bien ne pas s’y limiter.

Charles Aeschlimann est donc prié de venir s’installer en Indochine. En attendant, Genève charge un Hollandais, le père Willigers, d’agir en son nom. Fin janvier, Aeschlimann se rend à Saigon, puis à Hanoi, pour prendre contact avec les autorités française et vietnamienne, ainsi qu’avec les organisations de la Croix-Rouge présentes sur place (2).

En février 1947, Charles Aesclimann visite de sa propre initiative, 193 prisonniers des camps français et quatre centres d’accueil dans lesquels 2 000 femmes et enfants sont retenus. Les autorités de Saigon prennent très mal ce comportement beaucoup trop indépendant à leurs yeux et rappellent qu’elles n’acceptent que les visites des civils retenus «indûment» par le Viet-minh. Dans cette affaire, les autorités françaises sur place continuent à vouloir croire qu’elles n’ont à faire qu’à des rebelles.

D’ailleurs,  très vite, Paris va cesser de reconnaître le gouvernement d’Hô Chi Minh. Et la France pense pouvoir encore dicter ses volontés au CICR. Mais l’Institution ne l’entend pas ainsi et se tourne vers le Quai d’Orsay en rappelant son rôle d’intermédiaire neutre et impartial. Elle explique en outre que son action est aussi fondée sur la réciprocité.

A cette époque en effet, Genève peut logiquement espérer avoir de bons rapports avec les Vietnamiens, qui ont permis quelques visites. Puis, avec l’arrivée d’Emile Bollaert en tant que Haut commissaire en Indochine, les autorités de Saigon modifient totalement leur perception du CICR. D’ailleurs, le Dr Descœudres visite de nombreux prisonniers dans différents camps et obtient certaines améliorations. Néanmoins, Genève ne remet pas de rapports de visites aux deux Parties concernées puisque Paris refuse de reconnaître que la France est en guerre. Genève les informe cependant de ses actions.

En mars 1950, Aeschlimann visite plusieurs camps français retenant des prisonniers vietnamiens et d’autres où sont internés à peu près 27 000 nationalistes chinois. Puis il est remplacé par le Dr Marti en mars 1951. Il continue ces visites au Vietnam, au Laos et au Cambodge. Cependant, l’arrivée en janvier 1951 du général de Lattre de Tassigny engendre une méfiance entre les représentants français et ceux de l’Institution. En effet, l’attitude du Français provoque une vigoureuse réaction de la part du CICR. Celui-ci veut pouvoir agir en toute indépendance en tentant notamment de prendre tous les contacts jugés nécessaires pour son action.

La fermeté de la réaction de Genève s’explique en partie par l’entrée en vigueur des Conventions de 1949 qui contiennent un article 3 commun concernant les conflits internes. Pourtant, Paris estime toujours ne devoir effectuer en Indochine que des «opérations de pacification». La France ne veut donc pas reconnaître l’applicabilité de l’article 3 de peur que cela n’accorde une plus grande importance au Viet-minh, et que parallèlement cela ne nuise à l’Etat de Bao Daï.

En outre, Paris sait que son ennemi n’accepte pas les délégués du CICR sur son territoire, et ne veut donc pas donner l’impression de consentir à une application unilatérale des dispositions des tout nouveaux Traités de Genève. Néanmoins, Paris montre sa bonne volonté en affirmant avoir l’intention de «respecter dans leur esprit et, pour autant que l’autorisent les conditions particulières de la lutte en Indochine, dans leur lettre, les stipulations des Conventions de Genève du 12 août 1949».

En outre, le remplacement de Lattre de Tassigny, décédé, par le général Salan, facilite la reprise d’une bonne coopération entre le CICR et les représentants français en Indochine. De plus, le CICR arrête de lancer des appels radio en direction de la République démocratique du Vietnam à partir de l’Etat du Vietnam. André Durand, délégué du CICR, envoyé à Saigon en février 1952, note d’ailleurs la difficulté de travailler efficacement dans ce type de conflit avec un seul et même délégué pour les deux Parties belligérantes. Le problème majeur étant la neutralité, celle-ci risque de ne pas être suffisamment bien perçue par les belligérants, ou au moins d’un des deux. Néanmoins, les visites de camps continuent.

Le CICR, un intermédiaire dont le Viet-minh se joue

En février 1947, les autorités vietnamiennes permettent à Charles Aschlimann de visiter les lieux qui l’intéressent. Au début du conflit, il apporte des vivres et des médicaments à 171 prisonniers français. Il obtient, durant la même période, la libération de femmes, de vieillards et d’enfants français et anglais. Mais cette bonne volonté va rapidement cesser. En avril suivant, avec son successeur, le Dr Descœudres, il apporte du courrier et des secours — notamment en médicaments — pour les internés et l’organisation vietnamienne de la Croix-Rouge.

Puis, le 19 mai, les autorités de la République démocratique du Vietnam répondent négativement à une demande de visite d’internés français. Le 22 juin, malgré un long voyage, une inspection des camps de prisonniers de guerre, est encore refusée. En revanche, il ne leur est pas totalement interdit d’espérer faire libérer des femmes, des enfants, des vieillards et des malades. Et le 18 juillet, le Dr Descœudres remet un courrier pour Hô Chi Minh demandant des libérations d’internés. Cependant, il ne reçoit qu’une réponse dilatoire justifiée, comme auparavant, par des difficultés matérielles.

Pourtant, le délégué du Comité international n’arrive jamais les mains vides lorsqu’il rencontre les représentants vietnamiens. Le fait que le CICR apporte toujours des secours — et notamment des médicaments — sans pouvoir en contrôler la distribution, irrite les autorités françaises qui estiment que cela revient à accorder une aide matérielle à l’ennemi. Paris craint en effet qu’ils ne soient échangés contre des armes.

Toujours le 18 juillet 1947, le délégué du CICR apporte donc comme d’habitude du courrier, et des secours dont des médicaments. Il insiste sur le fait que le CICR visite les camps français retenant les prisonniers vietnamiens, mais n’obtient toujours pas la possibilité de faire de même en faveur des Français aux mains du Viet-minh.

Puis le 27 juillet, le délégué lance un appel radio, à destination des autorités de la République démocratique du Vietnam, demandant de fixer un autre rendez-vous pour la libération promise des internés, en ajoutant que cela serait un gage de bonne volonté de leur part. Descœudres menace de quitter l’Indochine en cas de refus. N’ayant obtenu aucun résultat positif, il met sa menace à exécution et rentre à Genève en août 1947.

En décembre 1947, Charles Aeschlimann constate qu’il ne peut pas entrer en relation avec les représentants de la République démocratique du Vietnam. En février 1948, Emile Bollaert s’oppose à ce que le délégué cherche à reprendre contact avec la République démocratique du Vietnam que la France ne reconnaît plus.

En juillet 1948, Bollaert autorise cependant Aeschlimann à remettre à l’organisation de la Croix-Rouge de la République démocratique du Vietnan des médicaments et d’autres secours, qui sont un don de la Croix-Rouge indienne, à condition qu’une partie revienne à la Croix-Rouge française pour la distribuer aux civils vietnamiens sous contrôle français. Mais, informée, la Croix-Rouge indienne s’oppose à ce mode de répartition. Aussi, l’ensemble des secours doit-il être renvoyé à Bangkok pour être donné aux Représentants des autorités de la République démocratique du Vietnam. A l’automne 1948, Aeschlimann renouvelle sa demande de visite des prisonniers français. Il se heurte cependant toujours aux mêmes arguments liés à la sécurité et aux conditions matérielles.

Le CICR décide alors de s’adresser directement à Hô Chi Minh. Mais son courrier du 25 novembre 1949 demeure sans réponse. La situation internationale a changé. La Chine est devenue une République populaire depuis le 1er octobre. Elle reconnaîtra la République démocratique du Vietnam en 1950. L’URSS et les pays d’Europe de l’Est feront de même. La même année, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne reconnaîtront, quant à eux, l’Etat du Vietnam et le gouvernement de Bao Daï, le Laos et le Cambodge. En effet, par les accords du 5 juin 1948 et du 8 mars 1949, la France et Bao Daï ont reconnu la création d’un Etat du Vietnam «associé» à l’Union française, auquel la Cochinchine s’est très vite rattachée.

Cependant, le Viet-minh contrôle alors la plus grande partie du Tonkin. De plus, Hô Chi Minh est assuré de l’appui moral et matériel de la Chine communiste. Aussi, pour tenter de contre balancer cette aide chinoise, et d’endiguer la progression du communisme dans cette région du monde, les Etats-Unis — pourtant a priori favorables à l’idée de la décolonisation — apportent leur soutien matériel à la France.

Cette guerre d’Indochine, dépasse donc le cadre d’un conflit de décolonisation pour s’inscrire dans celui de la guerre froide et de la partition du monde en deux blocs antagonistes. Les combats sont exacerbés et engendrent toujours plus de morts et de prisonniers.

Dans ce contexte, le CICR tente toujours d’entrer en relation avec la République démocratique du Vietnam en insistant sur sa neutralité et son impartialité. Mais ce sont des termes et une position toujours plus difficiles à faire accepter aux partisans d’Hô Chi Minh. Le CICR n’obtient d’ailleurs pas de réponse. Cependant, à partir de mai 1950, la radio de la République démocratique du Vietnam diffuse des messages de prisonniers de guerre et d’internés civils français, ainsi que le demandait depuis longtemps Charles Aeschlimann.

Compte tenu de l’importance pour Genève de pouvoir obtenir des communistes qu’ils acceptent pleinement son action, l’Institution n’abandonne pas l’idée de reprendre contact avec les autorités de la République démocratique du Vietnam. C’est ainsi que le Président du CICR, Paul Ruegger, effectue une mission en Chine où il rencontre Chou En-Laï. Puis, en repartant, il s’arrête à Hanoi, d’où il lance un appel radiophonique — qui sera repassé à plusieurs reprises — à Hô Chi Minh pour l’informer qu’il apporte des secours destinés à toutes les victimes du conflit se trouvant sur le territoire de la République démocratique du Vietnam.

C’est ensuite au tour du nouveau chef de la délégation du CICR en Indochine, Paul Kühne, d’adresser, en mai 1951, un message à Hô Chi Minh. En juin, l’organisation de la Croix-Rouge vietnamienne déclare accepter les secours proposés. Une rencontre entre Paul Kühne et la Croix-Rouge de la République présidée par Hô Chi Minh a lieu en juillet. Le représentant du CICR rappelle qu’il n’y a toujours pas de délégation de l’Institution en République démocratique du Vietnam, et qu’il ne peut pas non plus accomplir de missions de secours et de protection sur ce territoire, notamment en faveur des prisonniers français.

Il insiste aussi sur la nécessité d’établir un suivi avec l’organisation de la Croix-Rouge, pour l’échange des listes de prisonniers, des enquêtes sur les disparus et la transmission des messages familiaux. Et il remet des courriers pour les prisonniers français. Cependant, les partisans d’Hô Chi Minh ne tiennent aucun compte des explications du CICR. Aussi, la dernière rencontre d’octobre 1951 ne conduit-elle toujours pas les partisans d’Hô Chi Minh à modifier leur attitude face au CICR.

En novembre 1950, le président Paul Ruegger s’était rendu à Moscou après que l’Institution eût vainement tenté d’entrer en relation avec la République démocratique du Vietnam via l’Inde. Mais c’était également sans résultat.

C’est à la suite de ces démarches infructueuses, que les tentatives ont repris depuis Genève avec l’aide de l’ambassade de Suisse en Chine. Et cette fois, Genève a réussi. Les relations ont ainsi été maintenues jusqu’aux accords d’armistice.

De Dien BienPhu à la victoire du Viet-minh

Une escalade dans la violence est encore franchie à partir de l’assaut lancé par les troupes du général Giap sur le camp retranché de Dien Bien Phu, totalement encerclé à partir du printemps 1954 grâce aux 75 000 coolies mobilisés par Giap, qui, de nuit, ont transporté vivres et matériels avec des bicyclettes poussées à la main. Pas moins de 35 000 hommes, constituant cinq divisions dotées d’artillerie lourde, attendaient le déclenchement de l’attaque.

Lors de ces combats, plusieurs appareils d’évacuation des blessés appartenant aux forces françaises sont attaqués dans les airs par l’adversaire. Pour se justifier, celui-ci accuse les Français d’utiliser leurs appareils sanitaires pour le transport de munitions, ainsi que de bombarder au napalm les formations sanitaires et les convois d’évacuation du Viet-minh.

Le 25 mars 1954, Paris adresse une protestation à l’Institution contre les attaques ennemies. Genève répond en rappelant les termes de l’article 36 de la première Convention de 1949 qui prévoit l’établissement d’un accord entre belligérants pour déterminer les jours, les heures, l’altitude et les itinéraires des avions sanitaires.

L’appel lancé en vain par le général Navarre au Viet-minh, pour dire qu’il était prêt à faire contrôler le trafic aérien par la Croix-Rouge, n’a pas réussi pas à briser le silence de l’adversaire. Aussi, le CICR propose-t-il de servir d’intermédiaire afin que soit assurée la protection des personnes placées sous l’emblème de la Croix-Rouge, notamment grâce à la création de zones sanitaires et l’établissement de trêves sanitaires pour l’évacuation des blessés. Cette intervention du CICR est mal comprise par Paris et de nombreux Français.

En effet, plusieurs militaires français reprocheront cette stricte neutralité de l’Institution. De plus, celle-ci se heurte toujours au même silence du Viet-minh. Quant à André Durand, il ne peut, «pour raison de sécurité», accéder au camp retranché de Dien Bien Phu qui tombe le 7 mai 1954.

De son côté, Pierre Mendès France, qui devient président du Conseil le 18 juin suivant après avoir promis une paix négocié dans le délai d’un mois, réussit son pari. Les accords de Genève des 20 et 21 juillet mettent fin à la première guerre du Vietnam.

A la suite de cette bataille décisive perdue par la France, les échanges de grands blessés sont réalisés sans l’intermédiaire du CICR. André Durand assiste néanmoins à un rapatriement de 850 blessés de Dien Bien Phu vers le Laos. Il accompagne des blessés jusqu’à Hanoi. Près de 10 000 prisonniers ont été faits à Dien Bien Phu.  Aussi, le 3 juin 1954, le CICR propose-t-il son aide à Pham Van Dong, ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Vietnam.

D’après les accords de Genève, le Vietnam est provisoirement partagé en deux Etats au niveau du 17ème parallèle. Et les civils peuvent choisir de s’installer au nord ou au sud de cette ligne. Jacques de Reynier est envoyé par Genève au nord du 17ème parallèle, tandis qu’André Durand continue son action avec Nicolas Burkhardt, au sud de la ligne et au Laos. Près de 800 000 personnes cherchent à passer au sud. La Croix-Rouge de l’Etat du Vietnam fait appel au CICR et à la Ligue pour l’aider à secourir tous ces civils fuyant le nord.

Le Comité international lance un appel le 27 et la Ligue le 31 août 1954 aux Sociétés nationales. Puis, le CICR et la Ligue s’entendent pour assurer la réception et la coordination des secours qui arrivent et doivent être distribués par la récente «Croix-Rouge Vietnamienne» (3) créé en 1951. Les délégués du CICR se chargent, quant à eux, de la distribution des secours acheminés par d’autres organisations.

Au nord de la ligne de partage des deux Etats, le CICR cherchera à évaluer les besoins de la population civile, laquelle a été la plus durement touchée par le conflit. Mais les autorités refusent tout d’abord l’aide proposée. Puis, en mai 1955, la Croix-Rouge de la République démocratique du Vietnam accepte encore l’apport d’une tonne de médicaments.

Ainsi, alors qu’il n’a toujours pas pu installer une délégation à Hanoi, le CICR aura transmis huit tonnes de médicaments entre 1954 et 1956 à la République démocratique du Vietnam. Mais, comme depuis le début, le CICR n’a pu exercer aucun contrôle sur la distribution des dons. Par ailleurs, le Viet-minh a systématiquement empêché que les médecins français puissent être retenus avec les soldats, qui pourtant auraient bien eu besoin de leur aide. Seulement, un prisonnier français sur quatre est sorti vivant des camps du Viet-minh.

(1) Le CICR se heurtera au même problème lors de la guerre de Corée, où il ne parviendra pas à agir en Corée du Nord. Et en 1952, celle-ci lancera une virulente campagne mettant en doute la neutralité du CICR au moment où l’Institution proposait de constituer une commission d’enquête après les accusations lancées par Pyongyang, quant à l’utilisation, par l’ennemi, d’armes bactériologiques pour déclencher des épidémies parmi la population civile.

(2) La Croix-Rouge de la République démocratique du Vietnam n’avait pas encore rempli toutes les conditions requises pour être membre de la Croix-Rouge internationale.

(3) Comme la Croix-Rouge de République démocratique, celle-ci ne remplissait pas encore toutes les conditions requises pour être reconnue comme membre de la Croix-Rouge internationale.

Bibliographie

J.-F. Berger, L’action du Comité international de la Croix-Rouge en Indochine, 1946-1954, éd. Corbaz, Montreux, 1982.

J. Dalloz, La guerre d’Indochine, 1945-1954, Paris, Le Seuil, 1987.

C. Rey-Schyrr, De Yalta à Dien Bien Phu, Histoire du Comité international de la Croix-Rouge, 1945-1955, Genève, CICR, 2007.

Véronique Harouel-Bureloup

Véronique Harouel-Bureloup

Véronique Harouel-Bureloup est Maître de Conférences à l’Université de Paris 8.

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