ONG et médias, face à face ou ensemble ?

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Les ONG sont-elles l’avenir du journalisme international ? Cette question anime d’intenses débats aux Etats-Unis où la presse est confrontée à une crise sévère qui l’a amenée à réduire drastiquement les budgets rédactionnels et, en particulier, les ressources consacrées aux informations internationales.

Dans ce contexte, les grandes ONG conquièrent un espace jusque là réservé à la presse. Elles ont non seulement développé leurs propres capacités d’enquête et d’analyse, mais elles établissent aussi de plus en plus des relations de collaboration et de partenariat avec des médias. Au risque, selon les détracteurs de cette évolution, de compromettre l’indépendance du journalisme.

Après Carroll Bogert, directrice adjointe de Human Rights Watch, auteure, dans la Columbia Journalism Review, d’un article défendant la fonction journalistique des ONG, c’est au tour du directeur de la communication pour l’Amérique du Nord de l’International Crisis Group, Kimberley Abbott, de plaider pour un partenariat structuré entre les ONG et les journalistes sur la scène de l’information internationale.

L’équation a toutes les apparences du bon sens et de la vertu : d’un côté, les journalistes bénéficient de l’appui logistique et parfois même financier des ONG et s’appuient sur leurs délégués de terrain et leurs experts pour développer leurs sujets ; de l’autre, les ONG disposent d’une plateforme médiatique qui leur permet d’atteindre une audience – et une base de donateurs – importante et de mettre des crises oubliées à l’agenda. L’article cite plusieurs exemples de situation « gagnant-gagnant », en particulier un partenariat entre l’International Crisis Group et la chaîne de télévision américaine ABC en Afrique centrale.

Il ne passe pas pour autant sous silence les risques de dérapage et, notamment, les conflits d’intérêt entre l’engagement des ONG et l’impartialité du journalisme, ou encore les dangers que la couverture médiatique peut signifier pour la sécurité et la neutralité des opérations humanitaires.

Si certains journalistes mettent en garde contre ce type de partenariat, en le comparant à l’embedding au sein des forces armées, tel qu’il fut pratiqué lors de la guerre d’Irak, l’auteur estime que l’avenir est au « chevauchement croissant des sphères du journalisme et des ONG ».  Soulignant l’importance de préserver une couverture internationale de qualité, l’auteur opte clairement pour un partenariat. Soit on ignore un sujet international, note Kimberley Abbott, soit on le couvre avec l’aide d’une ONG. Kimberley Abbott estime dès lors, pragmatiquement, qu’il faut établir des règles et des critères, notamment de transparence à l’égard du public, afin d’éviter les dérives et les confusions des genres.

Lire l’article : « Working together, NGOs and journalists can create stronger international reporting », 9 novembre 2009, Nieman Journalism Lab
http://www.crisisgroup.org/home/index.cfm?id=6382&l=1

Jean-Paul Marthoz

Jean-Paul Marthoz

Jean-Paul Marthoz, chroniqueur de politique internationale au journal Le Soir (Bruxelles), professeur de journalisme international à l’Université catholique de Louvain, auteur notamment de : « La liberté sinon rien », et de  » Mes Amériques de Bastogne à Bagdad ».

Jean-Paul Marthoz

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