Cela fera bientôt trois ans que la crise en Syrie a débuté. Au fil des mois, elle s’est intensifiée et la violence n’a cessé de croître. Les groupes d’opposition armés se sont multipliés, tandis que les alliances entre opposants politiques se sont progressivement disloquées. Le niveau de violence, particulièrement élevé depuis mi-2013, l’intensification des combats, ont généré des mouvements de population soudains et massifs en Syrie et vers les pays limitrophes. Plus d’un million de Syriens ont franchi la frontière depuis début avril 2013 (source UNHCR(1)). Ils sont maintenant plus de 2 millions à avoir trouvé refuge dans les pays voisins.
La communauté internationale observe relativement silencieusement le déroulement d’une guerre civile qui a fait plus de 100 000 morts et contraint plus de 6 millions(2) de personnes à se déplacer(3). Ces chiffres dramatiques et l’ampleur géographique du conflit (la moitié de la France, si l’on inclut les régions affectées des 4 pays limitrophes) en font la plus grave crise humanitaire de ces vingt dernières années.
Les personnalités politiques, les journalistes et les intellectuels spéculent sur le devenir du pays, formulant des pronostics et se positionnant sur la question d’une intervention internationale. Aucun d’entre eux ne pense à analyser les conséquences de tel ou tel acte pour la population civile. Rares sont ceux qui saluent et encouragent l’action humanitaire sur le terrain, rendue possible grâce à la société civile qui parvient à relayer l’aide internationale dans les zones les plus isolées du pays lorsque que les ONGs internationales ne peuvent y accéder.
En effet, l’activité de nombreux groupes armés dans le pays génère une grande insécurité qui complique l’accès aux zones les plus vulnérables. Elle contraint souvent les acteurs humanitaires à gérer les activités à distance des lieux de vie des personnes les plus vulnérables. Ces conditions opérationnelles rendent évidement difficile un suivi adéquat des opérations au quotidien. Rappelons que l’action humanitaire a pour principe et objectif de secourir les personnes affectées, indépendamment de leur race, de leur sexe ou de leurs convictions politiques ou religieuses.
Depuis quasiment trois ans, les familles syriennes apprennent à survivre en temps de guerre. Les réserves matérielles, alimentaires et financières se sont épuisées, le pays ne produit plus grand-chose et les couloirs commerciaux depuis le Liban, la Jordanie ou la Turquie sont limités. A ceci s’ajoutent également les sanctions imposées par l’Union européenne qui aggravent la situation humanitaire dans le pays(4). L’état de santé et la situation alimentaire des Syriens sont critiques.
En Syrie, ce sont plus de quatre millions de personnes qui ont été contraintes de quitter leur maison et de se déplacer dans des endroits plus calmes. Selon OCHA, le Bureau de coordination de l’aide humanitaire en Syrie, la majorité de la population déplacée à l’intérieur de la Syrie vit actuellement au sein de familles d’accueil ou bien est installée dans des refuges. Ces refuges peuvent être des abris de fortune, des maisons ou appartements abandonnés, ou bien encore des centres collectifs improvisés. Les centres sportifs, les établissements scolaires et même les hôpitaux sont également considérés comme de possibles refuges. Certaines familles ont loué des maisons dans les zones moins touchées, mais elles se trouvent, après plusieurs mois de conflit, dans des situations difficiles pour payer le loyer en raison de l’épuisement de leurs économies et de leurs ressources(5).
Aujourd’hui, près de neuf millions de personnes sont affectées. Demain, combien y en aura-t-il ? Et surtout comment feront-elles face au froid, à la diminution des denrées alimentaires, à la pauvreté des ressources naturelles ? Comment pourront-elles affronter les menaces de violence permanentes ?
Jusque-là, la situation humanitaire était précaire. Aujourd’hui, elle devient critique. Il faut absolument que les humanitaires aient accès aux zones les plus affectées. L’ouverture de corridors humanitaires est évidemment souhaitable. Plus généralement, il est crucial que la communauté internationale, les belligérants et les civils reconnaissent et respectent la neutralité et l’impartialité des organisations humanitaires. Il est également indispensable que les décideurs internationaux débloquent immédiatement une aide financière conséquente. Le 7 Juin 2013, les Nations unies ont lancé un appel aux dons historique de plus de 5 milliards de dollars. Aujourd’hui, seulement 57 % de ce montant ont été apportés(6).
En attendant une résolution politique qui risque fort de prendre des années, il est grand temps que la situation humanitaire des populations syriennes devienne la priorité de la communauté internationale.
Action Contre la Faim – ACF-France
Vincent Taillandier, Directeur des opérations
(1) Ce chiffre inclut (les 6.8 millions d’affectés + les 2 Millions de réfugiés)
(2) Dernière entrée 5 Novembre 2013
(3) Ce chiffre inclut 4.25 M de IDPs + 2M de réfugiés
(4) Dernière entrée 5 Novembre 2013
(5) Reconduction des sanctions économiques de l’UE jusqu’au 1er juin 2014
(6) SHARP
Action Contre La faim France (ACF)
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