Les déplacés de ZamZam sont seuls
Reportage dans le camp de ZamZam, situé à sept kilomètres d’El Fasher… Dans une partie du camp, la vie s’est organisée. Nous sommes comme dans un village. Les «anciens» déplacés sont installés. Pour les « nouveaux arrivants », le calvaire continue. Les ONGI étaient sans doute leur seule chance de survie…
De violents combats ont mis aux prises il y a un mois les forces armées gouvernementales soudanaises aux rebelles du Mouvement Justice et Egalité (MJE) de Khalil Ibrahim. La bataille a eu lieu dans les environs de Muhajaryyia, une ville stratégique du sud Darfour. Quarante mille habitants de la zone ont fui leurs villages dévastés par les feux nourris des deux camps et se sont retrouvés jetés sur les routes. La majorité d’entre eux, d’origine Zaghawa, sont partis vers le nord, direction El Fasher, la capitale historique du Darfour. Trente six mille âmes – c’est le décompte fait par les Nations unies – sont venus gonfler les rangs du camp de ZamZam, un des tout premiers camps construits dans la région, il y a plus de cinq ans, au début du conflit. Ce camp est situé à sept kilomètres d’El Fasher.
Ces derniers jours encore, la scène s’est répétée : invariablement, par petits groupes, des familles arrivent dans la partie périphérique du camp, en bord de désert, avec leurs ânes et leurs charrettes débordant de guenilles, de couvertures, de plastiques et d’ustensiles usés. On construit des baraques de fortune à base de branches, de morceaux de tôle et de toiles de jute, flanquées parfois du logo «WFP» (Programme Alimentaire Mondial). Des images qui pourraient paraître banales dans la région si entre-temps, d’autres événements ne rendaient la situation plus préoccupante.
Le 4 mars dernier, le président Omar el Béchir est inculpé par la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans le Darfour. La réaction du régime de Khartoum est immédiate : treize Organisations Non Gouvernementales internationales sont expulsés dont les plus importantes comme MSF France ou la Britannique Oxfam et trois autres, des soudanaises, sont interdites d’activités. Cela signifie 7000 employés locaux en moins, qui ont donc perdu leur travail, et 250 personnels internationaux renvoyés chez eux. Résultat direct et concret : une absence cruelle de main d’oeuvre et d’expertise, d’hommes et des femmes, soudanais et étrangers, qui étaient au chevet des déplacés.
Inquiétudes pour les prochaines semaines
Mohammed al Sadiq, un des représentants des déplacés de Muhajarryai, se dit doublement victime de ces événements : « Non seulement nous avons tout perdu mais en plus, il n’y a personne ici pour nous aider… Nous avons tout juste de quoi nous nourrir… Nous n’avons même pas assez de couvertures pour nous chauffer. Il fait froid le matin et si rien n’est fait très vite dans les jours et les semaines à venir, cela peut être une catastrophe… Heureusement que les casques bleus ont pu nous amener l’eau nécessaire pour les prochains jours.»
De son côté, Ahmed Mohamed el Noor, un des doyens du camp de Zamzam, n’est guère rassuré : «Depuis le départ des ONG, nous sommes très inquiets… Nous ne sommes pas encore capables de subvenir totalement à nos besoins… Nous avons encore besoin de l’aide internationale… Mais là, les médicaments risquent de manquer, l’eau risque de manquer, la nourriture risque de manquer… Tout peut très vite manquer…»
Le camp de ZamZam est comme divisé en deux parties distinctes. Dans la partie ancienne, les habitants ont pris des habitudes de village. Ici, des jeunes femmes creusent un puits avec une technique déjà bien éprouvée… Plus loin, enfants et adolescents fabriquent des briques de terre sombres et commencent les fondations de maisons futures. Plus loin, leurs mères et leurs soeurs ramassent les pailles couleur d’or et en font des fagots qu’elles installent sur de petits ânes costauds et pas toujours obéissants. Des hommes coupent du bois et rassemblent les branches… On entend même des rires… Une boucherie en plein air est situé en plein coeur du camp : des moutons écorchés pendent à la demi-douzaine de crocs situés sur une estrade… Cette partie du camp ressemble de plus en plus à un village. Quelques centaines de mètres plus loin, là où sont les déplacés de Muhajarryia, le camp offre un tout autre visage.
D’un côté une activité naissante, de l’autre l’immobilité des tentes de fortune… Dans cette partie-là, on attend, mais personne ne vient véritablement, si ce n’est quelques 4X4 des Nations unies et des forces armées soudanaises, d’où sortent quelques Soudanais et des occidentaux, bloc-note et stylo à la main… Il s’agit d’une mission d’évaluation conjointe entre autorités soudanaises, UN mais aussi les humanitaires restés encore sur place. Son but : évaluer les conséquences de l’expulsion des ONGI.
En attendant les résultats de cette enquête, c’est la Mission de Nations unies et de l’Union Africaine au Darfour, la MINUAD, qui pare au plus pressé. Les Casques bleus ont fourni en eau le camp de zamzam. Ils font le boulot des humanitaires expulsés. Mais cela n’est pour qu’un temps. Daniel Augstburger, le directeur du bureau humanitaire de la force hybride du quartier général d’el Fasher explique: «L’aide que nous apportons aux déplacés doit rester exceptionnelle, la MINUAD n’a ni les moyens, ni le mandat ni les fonds nécessaires pour se substituer aux humanitaires… Il est bien évident que le gouvernement devra faire des efforts importants pour combler le vide laissé parle départ de ces ONGI…»
Stéphane Aubouard
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