L’impossible coalition (1)… Depuis plus de six mois maintenant, l’Irak avance sans pilote. En tout cas, tente d’avancer. Les élections législatives du 7 mars dernier se sont déroulées dans un calme relatif, mais depuis, la crise politique n’en finit pas. Les négociations pour la formation d’un gouvernement se suivent et… se ressemblent. Le départ des Américains est devenu une réalité. Les tractations entre factions passent par les puissances régionales et sont « patronnées » par Washington. Déjà, cette «vie» politique semble lasser les habitants de Bagdad…
Le nom du futur Premier ministre pressenti ne cesse de changer. La coalition du chiite Iyad Allawi – le Bloc irakien, une alliance laïque soutenue par les sunnites, a remporté de très peu le scrutin (deux sièges), devant celle formée autour de Nouri al-Maliki, le Premier ministre sortant, à la tête de l’Alliance de l’Etat de droit, un mouvement chiite. Et depuis? Depuis, les alliances se nouent et se dénouent. C’est à qui nouera le plus d’intrigues pour s’arroger le poste envié. Loin des palais protégés par de hauts murs en béton, la colère gronde et l’incompréhension accentue les rancœurs. Même la chaleur étouffante ne parvient pas à atténuer les peurs. Une poussière de sable est tombée comme un voile sur le ciel de Bagdad. La ville et ses habitants se cherchent.
Chaque jour, les journaux nationaux font leur Une des tractations politiques. Et les Irakiens sont bien conscients qu’encore une fois ce n’est pas pour eux qu’on se bat mais pour le pouvoir.
Au pied de l’hôtel Méridien Palestine, près du Tigre, le vendeur de journaux ne fait plus recette. D’abord parce que l’hôtel, construit comme une grande partie de la ville au début des années 80 par Saddam Hussein, tombe en ruine. Les fastes d’alors sont devenus des vestiges d’une époque que l’on tente d’oublier. Hassan s’emporte: «depuis que les Américains sont là, on n’a plus d’électricité. Et la vie est toujours aussi dure. Vous croyez que je peux me payer le luxe de m’acheter un générateur? Je ne suis qu’un vendeur de journaux. Alors je fais avec les quelques heures d’électricité auquel on a le droit chaque jour. En général, c’est de 1h 00 à 5h 00 du matin. Le reste du temps, c’est invivable».
Abdel est venu acheter le quotidien. Il prend part à la discussion. «Trop de pays s’impliquent dans les négociations sans qu’on leur ait demandé quoi que ce soit. Derrière Maliki, il y a l’Iran et les Américains, derrière Iyad Allawi, l’Arabie Saoudite.»
En 2005, déjà, il avait fallu près de 5 mois aux politiques pour parvenir à s’entendre et pour que Nouri al-Maliki, alors quasiment inconnu, émerge et soit nommé Premier ministre.
Aujourd’hui, les plus pessimistes n’attendent plus rien avant la fin de l’année. Sauf que pour beaucoup de Bagdadis, c’est justement ce vide laissé à la tête de l’Etat qui laisse les mains libres aux terroristes.
«Ce sont bien les seuls à ne jamais faire de pause. Même pendant le ramadan, ils continuent leur sale besogne», ajoute Hawa rencontrée au bazar Al Chorj. Vêtue d’une longue et ample robe noire, un grand foulard noir sur la tête, la vieille dame s’inquiète: «On ne sait jamais où ça peut exploser. Ici, ou ailleurs dans la ville. Toutes les voitures peuvent être transformées en bombe».
Le 5 septembre dernier, cinq jours tout juste après le retrait officiel des troupes de combat américaines, un minibus piégé a une nouvelle fois explosé dans le quartier chiite de Bab El Mouazam.
La nuit tombe, Hawa rentre chez elle. Abdel ferme boutique. Les hélicoptères de surveillance américains continuent leurs rondes aériennes.
(1) Premier volet de la série : L’impossible coalition…
A suivre : Sama, une chrétienne à Bagdad
Le Blog d’Edith Bouvier : http://danslesruesdirak.wordpress.com/
Edith Bouvier
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