Le Sri Lanka et nous…

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Que pouvons-nous faire ?

Il a fallu que le conflit entre le gouvernement du Sri Lanka et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul s’invite dans les rues parisiennes pour que perce dans les télévisions françaises un peu de la complexité de cette lointaine crise. Le drame humanitaire est là, bel et bien là, puisque plus de 50.000 personnes, selon l’ONU, étaient encore début mai bloquées, entre forces gouvernementales et rebelles, sur une mince bande côtière de 10km2. Ce drame existe, même sans images de ce qui se joue sur place.

Les témoignages des rescapés, de ceux qui ont pu fuir cet enclos l’attestent : les civils paient, encore une fois, un lourd tribu. Entre novembre 2008 et fin avril 2009, plus de 150.000 civils tamouls ont quitté la zone de combat. Les autorités sri lankaises ne cachent  pas depuis des semaines leur intention d’en finir avec la rébellion et leur volonté d’employer «les grands moyens» : avions de combat, bombardements aériens, armes de gros calibre… Le cessez-le-feu réclamé par la communauté internationale ? «Cela ne peut être qu’une blague ! A quoi servirait un cessez-le-feu alors que les rebelles sont en pleine débâcle ?» a répondu l’entourage du président Mahinda Rakapakse.

Pour Colombo, la population au mieux sert de bouclier humain aux Tigres tamouls, au pire est soupçonnée de complicité et de sympathie. Les entretiens fin avril entre le responsable aux Affaires humanitaires des Nations unies, John Holmes, et Mahinda Rakapakse, n’y ont rien fait, ce dernier refusant tout accès humanitaire à la zone de conflit. «Je suis déçu» a déclaré John Holmes. Déçue aussi, la présidence tchèque de l’Union européenne après le refus de Colombo d’octroyer un visa au chef de la diplomatie suédoise Carl Bildt, qui devait se rendre avec ses homologues Bernard Kouchner et David Miliband au Sri Lanka. L’UE a menacé Colombo de «répercussions» sur ses relations avec l’Europe et la Suède a rappelé son ambassadeur.

Avant leur départ, les ministres français et britannique ont réitéré «les appels de la communauté internationale au cessez-le-feu, au respect du droit international humanitaire et à la protection des civils». Protéger les civils d’un Etat souverain contre sa volonté… Comment ? Ne rien faire ?

L’idée serait insupportable. Sur place, Bernard Kouchner et David Miliband, n’ont obtenu ni trêve ni accès aux civils piégés. Hormis les «fortes inquiétudes» exprimées par l’Onu dès les premiers temps de la crise, la diplomatie active ne s’est que trop tardivement «emballée» pour tenter de raisonner le régime en place. L’émotion, au-delà des frontières sri lankaises, est là, réelle aujourd’hui. Le voyage de Bernard Kouchner et David Miliband, couvert par les agences de presse, les TV… n’a fait qu’accroître ce sentiment de proximité, d’empathie avec ces civils pris en étau et ces 200.000 autres qui vivent dans les camps de déplacés de Vavuniya, à 80 km du front.

Et nous nous demandons tous maintenant : que pouvons-nous faire ?

Jean-Jacques Louarn

Jean-Jacques Louarn

Jean-Jacques Louarn est journaliste à RFI.