De l’aide humanitaire aux renforcements
des droits de l’homme
Morts, blessés, disparus… L’Ukraine fait face depuis novembre dernier à la crise humanitaire la plus sombre de son histoire. Même si à Kiev, le climat s’est largement stabilisé, l’est du pays continue de s’enflammer. Les défenseurs des droits de l’homme présents sur Maïdan poursuivent leur action, notamment pour réformer la législation.
Les Ukrainiens, après plusieurs mois de chaos politique, ont enfin retrouvé un président élu. Dimanche 25 mai, l’homme d’affaire Petro Porochenko a remporté la présidentielle, dès le premier tour. Mais le pays reste néanmoins en situation de quasi-guerre civile, en proie à un conflit militaire sérieux dans deux régions de l’Est, autour des villes de Donetsk et Lougandsk. Le nombre de morts augmente dramatiquement dans les deux camps, que ce soit du côté des séparatistes pro-russes que des troupes ukrainiennes, armée régulière ou groupes d’auto-défense partis se battre sur le « front de l’est ».
Barrages routiers, barricades construites dans les points clés de la ville, aéroport ou gares bloqués, il devient quasi impossible d’accéder à ces régions, et cela vaut également pour l’aide humanitaire. Sans compter le maelström politique, qui complique l’acheminement des secours aux blessés et notamment l’intervention de la Croix rouge russe, qui refuse de s’enregistrer auprès de Kiev, sous le prétexte qu’elle intervient au sein la république autoproclamée du Donbass…. « C’est dangereux pour nous d’envoyer des volontaires là-bas, et en plus nous avons très peu d’informations à notre disposition pour évaluer les besoins », explique Alissa Novitchkova, l’une des responsables du mouvement de défense des droits de l’homme Euromaïdan SOS, né lors de la contestation populaire de l’hiver dernier à Kiev et actif depuis. Nous sommes sans cesse pris entre deux feux : nous sommes soit des « facistes » venus de Kiev, soit des traîtres à la cause. Mais ce n’est pas notre rôle de juger les bons et les méchants dans cette situation. »
Les activistes concentrent donc leurs activités dans les territoires stabilisés. A Kiev, 63 personnes sont toujours portées disparues et au plus fort du mouvement de contestation, de nombreuses personnes ont été kidnappées et torturées. Les associations ont beaucoup utilisé la tribune installée sur Maïdan pour mener les recherches et continuent de lancer des alertes sur les réseaux sociaux. Près de 3000 personnes ont également été blessées, et certains patients nécessitent des soins de longue durée ou sont encore hospitalisés à l’étranger. Pour les proches de victimes, l’association « Familles de Maïdan » continue son travail d’assistance financière ou de soutien moral. Une aide psychologique est également proposée à ceux, nombreux, traumatisés par la violence de ces derniers mois, notamment au sein des « sotnias », ces centuries para-militaires qui ont tenu pendant plusieurs semaines les barricades de la capitale. Une aide identique semble se déployer aujourd’hui à l’Est du pays.
Le cas de la Crimée est lui kafkaïen. La région est passée aux mains des Russes en mars dernier, après un référendum jugé douteux par la communauté internationale. L’Ukraine ne reconnaît pas non plus cette amputation, et considère la région comme territoire occupé. Les autorités russes se sont pourtant installées, pas toujours tendres avec les réfractaires au nouveau pouvoir en place. « Les activistes proches de Kiev sont persécutés, parfois arrêtés et torturés, rappelle Alissa. Nous leur fournissons une aide juridique. »
Euromaïdan SOS, à la croisée des initiatives santé et droits de l’homme, concentre aujourd’hui son action, en coordination avec les comités Helskinki ou l’organisation européenne des « Maisons de droits de l’homme » sur une série de réformes constitutionnelles, afin de permettre à l’Ukraine de ratifier le statut de Rome et donc l’adhésion à la Cour pénale internationale (CPI). « Nous voulons par cette ratification ouvrir une large enquête sur tout ce qui s’est passé sur Maïdan auprès de la CPI, conclue Alissa. C’est absolument nécessaire pour vivre ensemble à nouveau. »
Mathilde Goanec
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