Obama testé par le dossier cubain

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Cuba : les « grands » pas des Etats-Unis

Chose promise, chose due Lors de sa campagne électorale, le candidat du parti démocrate s’était déclaré hostile aux restrictions imposées par l’administration Bush à l’encontre de Cuba. Lors d’un discours à Miami, face à la communauté cubaine exilée, il avait promis de faciliter les voyages familiaux et les transferts d’argent vers la «perle des Caraïbes».

A la mi-avril, quelques jours avant le Sommet des Amériques de Trinité et Tobago, le président Obama a confirmé cette promesse, en annonçant la levée de ces restrictions. Adoptée dans le cadre d’une révision plus large des relations avec le régime castriste (plusieurs lois sont en discussion au Congrès), cette mesure avait aussi pour objet de déminer un dossier l’exclusion de Cuba de l’Organisation des Etats américains qui complique depuis des années la sérénité des relations entre les Etats-Unis et l’Amérique latine.

Tous les pays du sous-continent, qu’ils approuvent ou non le régime castriste, estiment en effet que Washington, qui traite avec des régimes autoritaires comme la Chine ou l’Arabie saoudite, doit normaliser ses relations avec Cuba et confirmer de la sorte son acceptation du droit de l’Amérique latine à la «pluralité» et à la souveraineté nationale.

Le rétablissement de relations « normales » avec La Havane reste, toutefois, une éventualité éloignée. C’est le Congrès qui détient constitutionnellement l’autorité de lever l’embargo décrété en 1962, une mesure complétée par des lois spécifiques comme la fameuse loi Helms-Burton de 1996 visant à sanctionner les entreprises étrangères qui commercent avec Cuba).

Or, même si l’opinion publique américaine est favorable à 71% à la levée de cet embargo, et qu’une partie croissante de l’Establishment (les céréaliers du Midwest, les pétroliers texans, les voyagistes, etc.) plaide pour une normalisation, le Congrès reste prudent. La communauté Cubaine- Américaine, bien que plus modérée qu’auparavant, continue à disposer d’une influence décisive dans des Etats- clés du pays, en Floride et au New Jersey.

Et Cuba est devenu l’un des dossiers brandis par les néo-conservateurs et la droite républicaine comme le test de la politique des droits de l’Homme de l’administration Obama.

Le nouveau président poursuit, depuis son arrivée à la Maison-Blanche, une politique « réaliste éthique » (voir notre article précédent dans grotius.fr) et il est convaincu de l’inefficacité de l’embargo, mais il sait que sur ce dossier, il doit obligatoirement adopter une rhétorique démocratique. Pour Barack Obama comme pour Hillary Clinton, les mesures d’assouplissement appellent un renvoi d’ascenseur et elles ne seront approfondies que si Raul Castro fait preuve de sa bonne volonté, en libérant des prisonniers politiques ou en libéralisant l’accès aux médias indépendants ou à Internet.

Les limites de l’exercice apparaissent dès lors immédiatement. Alors que l’objectif final de la Maison-Blanche reste l’instauration de la démocratie à Cuba, le gouvernement cubain voit dans toute normalisation une acceptation de sa « spécificité idéologique ». La route sera longue et semée d’embûches, à la fois aux Etats-Unis et à Cuba, car, dans ces deux pays, des secteurs influents craignent un changement du statu quo et les conséquences imprévisibles de la levée de l’embargo.

Toutefois, la balle a été lancée, et ce jeu de base ball se poursuivra inexorablement car les deux gouvernements croient, à ce stade, pouvoir bénéficier d’une détente. L’administration Obama se veut à l’écoute de ses alliés latino-américains et européens. Elle sait que le ministère de la Défense et les agences spécialisées en charge des douanes, de la lutte antidrogue ou des migrations sont favorables à une meilleure collaboration technique avec La Havane. Elle parie sur le potentiel « démocratisateur » de la normalisation.

Raul Castro estime, de son côté, qu’un rapprochement permettrait à son gouvernement d’améliorer la situation économique des Cubains et donc de renforcer la légitimité du régime.

Les arrière-pensées, les paris, les double-jeux truffent la partie d’échec qui s’entame. Une seule chose est sûre : cinquante ans après la victoire castriste, une petite île de 11 millions d’habitants continue à donner des migraines à la plus grande puissance du monde.

Jean-Paul Marthoz

Jean-Paul Marthoz

Jean-Paul Marthoz, chroniqueur de politique internationale au journal Le Soir (Bruxelles), professeur de journalisme international à l’Université catholique de Louvain, auteur notamment de : « La liberté sinon rien », et de  » Mes Amériques de Bastogne à Bagdad ».

Jean-Paul Marthoz

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