Père Blanc, une vie…

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Pascal Durand
Père Blanc, une vie...

Présents en Afrique depuis la seconde moitié du XIXè siècle, les Pères Blancs connaissent certainement mieux que les ONG les réalités de la vie en Afrique. Les plus anciens d’entre eux vivent depuis plus d’un demi-siècle sur le continent. Les Pères Blancs apportent très souvent des aides primordiales à des populations rurales oubliées des Etats. Rencontre en Tanzanie.

Dimanche, 7 heures. Une moto-cross réveille la campagne tanzanienne, encore assoupie dans la brume matinale. Comme chaque dimanche, le prêtre français Pascal Durand, 41 ans, va célébrer la messe et des baptêmes dans des villages des bords du lac Victoria. Voilà dix-huit ans qu’il vit et prêche en Afrique de l’Est. Zambie, Kenya, et donc Tanzanie, pays dont il parle parfaitement la langue, le Kiswahili. En mangeant et en s’habillant en plus comme l’ensemble de la population, il respecte ainsi les fondements de sa congrégation, celle des Pères Blancs – créée en 1868 par l’archevêque d’Alger Charles-Martial Lavigerie.

La religion est devenue la vie de Pascal en 1990. Sa vie professionnelle d’alors ne le comblait pas vraiment. Il raconte : «Après des études universitaires, j’ai passé un concours et je l’ai obtenu. Je suis devenu agent d’exploitation chez France Telecom. Fonctionnaire à temps complet, je restais au bureau à vérifier l’argent des autres. Je me posais la question si cette vie allait être la mienne jusqu’à ma retraite, pour les 40 prochaines années.» Pascal cherche alors à donner un sens, une utilité à son existence.

Elevé dans un milieu catholique et «baptisé à huit jours», il se lance dans les camps de jeunes et l’animation pastorale en parallèle de son emploi. Et après un an et demi, sa décision est prise : il sera Père Blanc.

Sa formation commence à Lille en 1990. Pour Pascal Durand, il faut voir dans ce parcours une certaine cohérence. «Un grand-oncle était Père Blanc au Congo-Brazzaville. J’ai été à l’école catholique, et à 12 ans, je commençais un groupe de vocation, avec des sœurs qui me demandaient si je ne voulais pas devenir prêtre. Tout cela pousse à s’interroger.»

Père Blanc, une utilité

L’Afrique, elle, ne tarde pas à venir à lui. C’est en Zambie, en 1992, à 23 ans, qu’il découvre pour la première fois le continent. L’année suivante, il met les pieds en Tanzanie. Dix-sept ans plus tard, il y est toujours. Aujourd’hui installé dans le village de Kasamwa, non loin de la deuxième plus grande mine d’or d’Afrique, il partage une maison neuve avec deux confrères, canadien et indien. Un jeune kenyan est là aussi ; il termine sa formation. Entre eux, l’ambiance est détendue, joviale même à l’heure des repas. «Nous, les pères blancs, nous sommes dans une position d’invités, explique-t-il. C’est l’évêque du diocèse où nous sommes qui invite les Pères Blancs, car il y a un manque de prêtres tanzaniens.» Le travail, lui, ne diffère pas d’ailleurs. «Notre mission est pastorale. Elle couvre une trentaine de villages.»

Les Pères Blancs tentent d’aller au-delà de leur rôle spirituel, mais ce n’est pas toujours facile. «Nous avons des idées, des projets d’aide à la population, mais leur mise en œuvre dépend des moyens dont nous disposons. Nous avons actuellement un projet de décortication du riz mais nous attendons l’électricité pour faire fonctionner la machine.» D’autres plus modestes, mais indispensables, verront bientôt le jour. «En face de l’église de Kasamwa, nous allons rénover des salles de classe. Nous y proposerons du soutien scolaire, et des cours du soir.» Une véritable chance pour les jeunes fidèles, victimes du manque de professeurs dans cette région rurale.

Mourir en Afrique

Le dimanche, à la messe, Pascal et ses collègues écoutent les confessions de la population. Des moments souvent délicats, où ils sont confrontés aux difficultés. Avec les années, les Pères Blancs se sont blindés, et transmettent des messages à la population. «Notre principal volonté est que chaque enfant aie le droit d’avoir un père et une mère, vivant en harmonie. Pour le reste, nous ne nous permettons pas de porter de jugement ou d’avis.»

En évoquant ces 18 ans passés en Afrique, dont l’essentiel en Tanzanie, la voix de Pascal Durand rend compte d’une certaine émotion. «Je ne pourrais pas quitter la Tanzanie sans que ça ne me coûte personnellement. J’ai y passé la moitié de ma vie», dit-il avec des trémolos touchants dans la voix.

Certainement mieux que les ONG, les Pères Blancs connaissent parfaitement les réalités de la vie en Afrique Ils ne rentrent dans leur pays qu’une fois tous les quatre ans en moyenne. Les plus anciens (et ils sont nombreux…) qui dépassent allègrement les 80 ans, avec plus d’un demi-siècle passé en Afrique, ne veulent pas rentrer en Europe. «Leur choix est fait depuis longtemps, ils mourront en Afrique», conclut Pascal Durand.


Arnaud Bébien

Arnaud Bébien

Arnaud Bébien est journaliste (Tanzanie)